Malgré l'importance de la loi de règlement au regard de la démocratie comme de la bonne gestion des finances publiques, on constate que, quel que soit le régime, cette loi a toujours été considérée comme secondaire comparativement à la prévision budgétaire. Pourtant, depuis l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, sa place a été reconsidérée. La LOLF suffit-elle à conférer à la loi de règlement l'importance qui doit être la sienne?

 

Le mercredi 1er juillet 2015, la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a adopté le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014. Son vice-président a ouvert la séance consacrée au projet de loi de règlement en signalant que « dans cette maison (l’Assemblée nationale) le pouvoir appartient aux représentants du peuple… Enfin, pour ceux qui y croient encore » (lien). Ces mots, qui n'ont certes pas été prononcés sur un ton grave, nous éclairent néanmoins sur la place de la loi de règlement. Malgré l’importance du dispositif au regard de la bonne gestion des finances publiques comme de la démocratie, ce texte apparaît toujours occuper une place secondaire, eu égard à l’importance réservée à la prévision budgétaire par les parlementaires, dans la procédure budgétaire.

L'établissement a posteriori de la réalité financière de l’État est une préoccupation très ancienne. Elle demeure une question importante lors de la Révolution comme durant les régimes postérieurs à celle-ci. Ce n’est toutefois qu’avec l’adoption de la loi organique relative aux lois de finances du 1er aout 2001 (LOLF) que la place du règlement des comptes de l’État a été reconsidérée. En effet, c’est surtout depuis la LOLF que les prescriptions, parfois déjà envisagées par des textes plus anciens, ont finalement été respectées.

La loi de règlement, définie par la loi organique du 1er aout 2001, est généralement considérée comme « un rendez-vous manqué ». Il faut cependant nuancer ce constat d’échec. Indiscutablement, les critiques sont justifiées. Pour autant, il convient de signaler que la LOLF a bouleversé certaines pratiques.

La révision du processus de règlement des comptes est issue essentiellement de l’article 41 de la loi organique qui impose que « le projet de loi de finances de l'année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant le vote par celle-ci, en première lecture, sur le projet de loi de règlement afférent à l'année qui précède celle de la discussion dudit projet de loi de finances ». Ce n’est pas rien. La LOLF a  rompu avec l’habitude des retards, une coutume ancrée depuis des siècles et qui concentrait jusque là les critiques des hommes politiques et des observateurs.

Ce problème étant résolu, pourquoi la loi de règlement demeure-t-elle uniquement perçue comme un instrument de gestion secondaire, mais surtout une loi financière si peu connue et appréhendée ? Plusieurs explications doivent être combinées. Le règlement du budget de l’État occupe une place modeste dans les débats, car le sujet semble trop technique aux yeux des hommes politiques. La conséquence de cette indifférence est alors que son incidence politique n’est pas comprise.

Cette absence d’intérêt est en réalité significative de la situation réelle de l’équilibre des pouvoirs au sein de nos institutions. Aujourd’hui, le gouvernement ne partage que formellement le pouvoir financier avec le Parlement bien que celui-ci occupe, dans les textes, la place centrale du processus. Le désintérêt des parlementaires s’explique donc logiquement : la loi de règlement ne remplit pas la fonction qui justifie son existence, à savoir le contrôle du budget exécuté par le gouvernement. Au contraire, c’est une attention particulière pour cette phase des cycles budgétaires qui serait remarquable sous l’empire du régime politique actuel.

Dans ce cas, la loi de règlement a-t-elle un avenir ? Considérant les transformations des systèmes financiers publics et notamment la volonté d’adapter le modèle de l’entreprise privée à la sphère publique, le déclin du processus de règlement des comptes est un contresens puisqu’il ne fait pas de l’exécution du budget, c’est-à-dire de la réalité budgétaire, un moment central de la vie politique française et cela au profit, des prévisions, parfois fantaisistes, des lois de finances initiales.

En conclusion, si la loi de règlement semble de prime abord être une question technique, celle-ci relève avant tout de considérations politiques, reflétant notamment la réalité du partage des pouvoirs financiers entre exécutif et législatif.

Le Parlement a-t-il vocation à rester une chambre d’enregistrement ou va-t-il véritablement, et non formellement, contrôler l’action du gouvernement ? L’importance accordée à la reddition des comptes dans le futur offrira une partie de la réponse à la question posée.

 

François Bonneville

Doctorant en Droit public à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Chargé de mission à FONDAFIP

 

 

A paraître: 

F. Bonneville, "L'évolution du processus de règlement des comptes. Première partie: de l'Ancien Régime à la IVe République.", RFFP

F. Bonneville, "L'évolution du processus de règlement des comptes. Première partie: la Ve République.", RFFP

×