A quelques jours de l'application intégrale du décret GBCP pour les EPN, il semblait important de revenir sur les apports que ce texte pourrait avoir sur l'activité recherche des universités. C'est une analyse du point de vue du gestionnaire mais qui tente de montrer que l'évolution des organisations et des objets de gestion peut et doit avoir des conséquences positives sur les activités que la gestion financière et comptable assiste. La gestion financière et comptable est une fonction support, complexe dans le cadre de la recherche, qui ne doit pas freiner mais accompagner et surtout faciliter au sein des établissements d'enseignement supérieur. Le décret GBCP et les réflexions menées pour son adaptation aux particularismes des universités peuvent permettre une évolution et une optimisation de la gestion de la recherche, au profit en premier lieu des laboratoires et des chercheurs. 

 

Le 1er janvier 2016, le décret GBCP s'appliquera dans son intégralité pour l'ensemble des établissements publics nationaux et en particulier pour les universités et écoles de l'enseignement supérieur. 

La recherche est pour ces organismes, avec la formation, l’une des deux activités principales mais aussi celle qui induit une gestion budgétaire et comptable complexe.

Les projets de recherche, sont pour une majorité des opérations pluriannuelles, qui seront régies, à compter du 1er janvier 2016 par les instructions DGFiP n°13-0022 du 5 décembre 2013 sur les subventions reçues ou n°13-0023 du 6 décembre 2013 sur les modalités de comptabilisation des opérations pluriannuelles avec et sans contrepartie directe. Ces deux textes modifient, selon la nature des projets, l’impact sur le résultat comptable des établissements.

La valorisation potentielle des résultats a aussi des conséquences sur le régime fiscal des opérations en recette et en dépense.

La justification des dépenses réalisées pour l’obtention des financements, variable selon les organismes financeurs, nécessite un suivi strict de l’exécution en dépense et en recette.

La gestion budgétaire et comptable des unités de recherche et de leurs projets est exigeante et s’appuie sur des compétences multiples et spécifiques. Le développement de la recherche, la multiplicité des financeurs, la complexité des projets ont nécessité une technicité juridique, financière, comptable accrue.

Le décret GBCP ajoute une dimension supplémentaire en proposant un système dualiste et en distinguant désormais les impacts de la comptabilité budgétaire et de la comptabilité générale.

La notion de pluriannualité et le pilotage pluriannuel des projets de recherche seront désormais portés par des objets de gestion spécifiques, les autorisations d’engagement (AE), les crédits de paiement (CP) et les recettes (RE) qui doivent permettent un suivi complémentaire de celui qui est aujourd’hui privilégié, en droits constatés.

Néanmoins, les apports du décret GBCP au pilotage des projets de recherche et spécifiquement les projets pluriannuels se sont amplifiés avec la mise en place de règles et d’objets de gestion particuliers, qui complètent les règles générales et non y dérogent.

La nomenclature budgétaire, par nature, intègre désormais trois enveloppes, personnel, fonctionnement, investissement qui spécialisent les crédits et permettent d’en apprécier la limitativité. Pour les projets de recherche, uniquement, les établissements peuvent créer une ou plusieurs enveloppes supplémentaires qui regroupent tous les crédits destinés à des opérations pluriannuelles et qui permet une fongibilité totale entre les enveloppes de fonctionnement et d’investissement.  Cette enveloppe spécifique doit permettre d’évaluer et d’assurer un suivi fin de la soutenabilité et de l’exécution de l’ensemble des projets en les isolant des autres activités. Leur impact sur le solde budgétaire, encaissement moins décaissement, tout comme les projets immobiliers mais avec un nombre d’opérations très supérieur, doit faire l’objet d’un suivi strict pour assurer aux laboratoires la disponibilité des crédits nécessaires à la poursuite des activités. Elle doit permettre de s’assurer aussi, pour l’établissement, d’une trésorerie suffisante sur la pluriannualité et l’infra-annualité.

Sans nier la complémentarité entre l’enseignement et la recherche, cette nouvelle règle doit s’accompagner d’une redéfinition du ou des centres de responsabilité budgétaire qui piloteront la recherche au sein des établissements et adapter l’organisation budgétaire aux règles qui ont été spécifiquement accordées à la recherche. Il ne faut pas confondre organisation budgétaire et organisation universitaire. La création d’un centre de responsabilité budgétaire regroupant l’ensemble des laboratoires de recherche, la mise en place de centres de services partagés qui regroupent des compétences particulières au service des entités n’ont et ne doivent avoir pour but premier que de simplifier la gestion budgétaire et financière qu’assument, en complément de leurs activités de recherche et d’enseignement, les chercheurs.

Les établissements, ordonnateurs et comptables, avec l’appui de l’AMUE, ont proposé, de plus, un objet de gestion, l’autorisation de dépense (AD), qui doit permettre de favoriser la simplification de l’exécution par les laboratoires et introduire, dans la gestion, la dimension pluriannuelle des projets. Un projet de recherche pluriannuel n’est plus découpé, pour le laboratoire, en crédits annuels, limitatifs, mais devient une autorisation de dépenser globale sur la période de validité du projet qui peut aussi être liée aux règles spécifiques de l’enveloppe recherche. La mise en place de cet objet de gestion permet aux laboratoires d’avoir une visibilité à moyen ou long terme de leurs crédits et de disposer de l’ensemble des moyens nécessaires quel que soit le rythme d’avancement de leurs projets. Le cadrage initial de l’opération, l’échéancier prévisionnel d’exécution, tant en recette qu’en dépense, l’accompagnement par des structures dédiées (CRB, CSP) sont nécessaires au démarrage du projet mais doivent permettre ensuite aux chercheurs de se consacrer à leur cœur de métier : la recherche.

Le décret GBCP propose des règles budgétaires et comptables et des objets de gestion qui doivent permettre un pilotage plus efficient, pour garantir des ressources en adéquation avec les résultats attendus, le développement de l’ensemble de la recherche universitaire. Mais sa mise en place a permis aussi de proposer des organisations et des procédures qui doivent simplifier la gestion par les laboratoires tout en garantissant une maitrise des risques et plus particulièrement ceux liés à la trésorerie des établissements. La recherche universitaire ne pourra se développer sans des moyens et sans une gestion optimale et structurée des ressources qui y sont dévolues. Le laboratoire et les chercheurs resteront maîtres des choix de gestion, du pilotage de leur recherche mais pourront, si les organisations, les procédures et les objets de gestion sont maximisés, s’appuyer sur un fonctionnement simplifié qui doit leur permettre de se concentrer sur la recherche.

 

Jean-Christophe Savineau

Ingénieur de recherche

Chargé d'enseignement à l'Université de Tours

Membre du groupe de recherche "Démocratie et Finances publiques" de FONDAFIP

Membre associé du laboratoire CEREGE (EA 1722) de l'IEA de Poitiers

 

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Jean-Christophe Savineau, « Le décret GBCP : un facteur d’amélioration de la gestion financière de la recherche universitaire », Billet « Idées » FONDAFIP, 14 décembre 2015

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