Retrouvez le compte rendu ainsi que les photos de cette colloque de 21 et 22 septembre à Rabat.

 Compte rendu De la 12ème édition du colloque international DE finances publiques DE RABAT

 

Vendredi 21 septembre 2018

La Trésorerie Générale du Royaume du Maroc a abrité les 21 et 22 septembre 2018 les travaux de la 12ème édition du colloque international des finances publiques organisée par le Ministère de l’Economie et des Finances du Maroc en partenariat avec FONDAFIP et La RFFP. Cette année le colloque a connu une grande affluence en raison du thème «  finances publiques et justice sociale » qui nous interpelle tous : du simple citoyen aux multiples acteurs du tissus économique.

Lors des allocutions d’ouverture, Monsieur Mohamed BENCHAABOUN, Ministre de l’Economie et des Finances a appelé à l'instauration d’une meilleure justice sociale et à la satisfaction des besoins des citoyens qui sont deux facteurs primordiaux pour la cohésion sociale. Le ministre a insisté sur la nécessité de faire des choix judicieux en matière d’éducation, de formation et surtout de rationalisation de l’acte d’investir. Il a rappelé les axes qui ont été au centre du discours royal lors de la fête du Trône et l’engagement du gouvernement qui a ouvert beaucoup de chantiers selon les orientations données par le souverain. Monsieur Benchaâboune a souligné l’importante de la mise en place de l’initiative du "Registre Social Unique", du lancement de la 3è phase de l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH), du redressement des anomalies qui entachent l’exécution du Régime d’Assistance Médicale (RAMED)  et de l’élargissement de la couverture médicale de base pour englober tous les travailleurs indépendants, les étudiants, les personnes non-salariés exerçant une activité libérale et les parents des assurés de l’assurance maladie obligatoire du secteur public géré par la Caisse Nationale des Organismes de Prévoyance Sociale (CNOPS).

Monsieur Jean-François Girault, l'Ambassadeur de la République Française au Maroc, a salué la qualité, la densité et la constance de la coopération franco-marocaine en matière de finances publiques, soulignant que le thème choisi pour ce colloque est au cœur de l'une des responsabilités les plus essentielles de l’Etat et de ce qui assure la cohésion et la stabilité de la société. Il a souligné que les finances publiques sont dans la matière l’outil majeur de traduction des décisions régaliennes. Dans ce contexte, la priorité de la dépense publique se doit d’aller vers le capital immatériel et non pas essentiellement vers les infrastructures physiques.

Monsieur Jean – Marie BERTRAND, Président de chambre honoraire à la Cour des comptes a rappelé le rôle de la Cour des Comptes dans la comparaison des résultats par rapport aux moyens mis en œuvre, et l’efficacité et l’efficience des politiques publiques telles qu’elles sont définies par les pouvoirs publics. La Cour des comptes se limite, dans ses rapports annuels,  à mettre en lumière les conditions de réussite de ces politiques publiques visant à promouvoir la justice sociale, a-t- il souligné.

Monsieur Michel Bouvier, Président de l’Association pour la Fondation Internationale de Finances (FONDAFIP), et directeur de la RFFP, a indiqué que Rabat est devenue progressivement un vrai centre de réflexion des finances publiques au niveau international et, d’une certaine manière, le Maroc est devenu une vitrine de ce qui se pense et de ce qui se fait en matière de finances publiques, un peu partout ailleurs. Il a également souligné que le développement du nouveau modèle économique s’est considérablement accéléré ces dernières années, ajoutant qu’il s’agit aussi d’un nouveau modèle institutionnel qui se met en place au travers d’un réseau d’Etats, de métropoles, de régions. Et d’ajouter qu’il y a un écart de richesses qui se développe de plus en plus et les fractures sociales et territoriales deviennent considérables.

Monsieur Noureddine Bensouda, le Trésorier Général du Royaume du Maroc a indiqué que les injustices sociales ne se limitent pas uniquement à l’augmentation de revenus ou à la création des emplois,  à l’accès aux biens et services collectifs, tels que l’éducation, la santé, le transport. C’est également  une question de droits, de dignité et de liberté d’expression ainsi que d’autonomie économique, sociale et politique. Il a explicité qu’avec d’autres acteurs, tels que les collectivités territoriales, les établissements et entreprises publics, les entreprises privées, la société civile, l’Etat, à travers notamment les finances publiques, a toujours intervenu comme acteur majeur dans l’instauration de la justice sociale ; néanmoins et malgré les efforts de tous ces acteurs les inégalités de revenus et des patrimoines  ont augmenté dans presque toutes les régions du monde ces dernières décennies. Le Trésorier Général du Royaume du Maroc a fait observer que les politiques sociales mises en œuvre par l’Etat, axées sur la lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités, ont permis de réduire la pauvreté, d’étendre l’accès aux biens et services collectifs aux populations vulnérables et de désenclaver les zones difficiles d’accès. Monsieur BENSOUDA a enfin dressé les limites des finances publiques qui se trouvent sous pression des politiques sociales pour au moins deux raisons essentielles : l’insuffisance des ressources de l’Etat et la faiblesse du rôle redistributif de l’impôt. Et de conclure que sans un diagnostic précis, une vision claire, un changement moins fréquent des lois, une appropriation de la légistique par les acteurs, un respect de la loi et une reddition des comptes, l’instauration d’une meilleure justice sociale ne peut être réalisée.

Dans son témoignage,Monsieur Mustapha SEHIMI, Professeur universitaire, politologue et avocat au Barreau de Casablanca, a relevé que la politique sociale au Maroc connait des progrès notables du fait de l’amélioration du niveau de vie des marocains et de la diminution du taux de pauvreté. Il a noté, entre autres, que la finalisation de la cartographie de la pauvreté au Maroc contribuera à revoir les missions de service public et  suivra les changements de Société et de mobilité sociale. Il  a également souligné que malgré les efforts consentis, les résultats demeurent insuffisants et les inégalités persistent, et de ce fait, il recommande d’asseoir des réformes et d’introduire des programmes sociaux ciblés pour l’instauration d’une vraie justice sociale.

De son coté, Madame Marylise LEBRANCHU, Ancien ministre de la Justice, Ancien Ministre de la Réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la Fonction publique, Ancienne vice-présidente du Conseil régional de Bretagne, a parlé de la noblesse de l’action publique et la prévalence du développement  économique, des infrastructures, de la mobilité et l’ importance donnée aux affaires sociales. Elle a insisté sur le fait que les réformes effectuées par le passé étaient choisies en fonction de ce qu’elles pouvaient rapporter au budget de l’Etat et de la bonne santé économique. Elle a préconisé de revenir à ce qui était la noblesse de la politique en orientant les dépenses publiques  pour une efficacité de  lutte contre les inégalités.

 

 

 

 

 

Samedi 22 septembre 2018

MonsieurJean –Marie Monnier, Professeur d’économie à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, a souligné que l’Etat connait depuis deux décennies un certain nombre de difficultés avec l’émergence due aux risques et des difficultés d’articuler la justice sociale entre les impératifs jugés contradictoires. Il a lancé une réflexion sur le rôle respectif du marché et des institutions publiques qui détermine l’objet premier de la justice et la façon dont les institutions socio-économiques et d’autres acteurs les plus importants répartissent les avantages tirés de la coopération sociale.

Monsieur Omar Raissouni, Inspecteur des Finances, a rappelé que la fiscalité joue un rôle primordial dans la réalisation de la justice sociale, puisqu’elle établit une interface entre le citoyen et l’Etat. Il a souligné qu’il existe trois niveaux d'injustice en matière fiscale dont le premier est afférent à la non-conformité fiscale, le nombre important de défaillants en matière de déclaration et paiement, le nombre important d’entreprises déficitaires et la concentration des recettes de l’IS et de l’IR. Concernant le deuxième niveau, il se rapporte à l’injustice dans le dispositif législatif lui-même qui se caractérise par l’importance des dépenses fiscales et l’incohérence des barèmes ainsi que par la  neutralité non encore assurée pour la TVA et la profusion de taxes de nature parafiscale.

Pour ce qui est du troisième niveau, il concerne l’injustice découlant de l’action de l’administration citant à cet égard le pouvoir d’appréciation de l’administration qui est encore insuffisamment encadré et la persistance des cas d’absence de réponse ou de réponse avec retard aux réclamations des contribuables.

Mademoiselle Laure-Alice Bouvier, avocate au barreau de Paris et docteur en droit, a expliqué que la fiscalité tient une place centrale dans les transformations des sociétés. Elle explique que le retour sur les questions liées à la fiscalité, et plus particulièrement sa relation avec la justice sociale s’avère crucial, soulignant que le rapport entre la fiscalité et la justice sociale comporte deux enjeux majeurs. Le premier enjeu concerne la définition même de la justice fiscale, et conduit à s’interroger sur l’égalité devant l’impôt, tandis que le deuxième enjeu a trait à l’utilisation de la fiscalité pour mieux redistribuer la richesse. Et d’ajouter qu’il faut nécessairement mettre en perspective l’impôt avec deux grandes conceptions de la justice qui sont la justice distributive et celle redistributive afin de clarifier les liens entre fiscalité et justice sociale.

MonsieurHassan BOUBRIK, Président de l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale, a parlé du financement de la protection sociale considérée comme une assurance destinée à mutualiser les risque et une forme de solidarité financée par des contributions publiques et par le marché, le financement par ce dernier reste très limité du fait que les ménages eux-mêmes  couvrent les dépenses à caractère sociale.

Monsieur Faouzi LEKJAA, Directeur du Budget au Ministère de l’Economie et des Finances du Maroc, a souligné que les dépenses sociales ne doivent plus être considérées comme des dépenses de compensation, mais comme des dépenses d’investissement qui permettront de forger les capacités et l'autonomie de l’individu pour qu’il contribue activement au développement de son pays et puisse préserver sa dignité via l’emploi, au lieu de l'aide et de l’assistanat. Il a également mis l’accent sur la nécessité de refonder le mode de production du capital humain, le libérer des inégalités par le renforcement des capacités des citoyens, autour d’une ambition commune, dans la perspective d’aboutir à un modèle de développement  humain durable porté par l’innovation, le savoir et la culture. L’éducation doit servir de socle à ce modèle de développement, a-t-il souligné, ajoutant qu'un intérêt particulier doit être accordé à trois axes qui sont l’école, les ressources humaines et la pédagogie.

 

MonsieurMichel BOUVARD, Vice-Président du Conseil départemental de Savoie, Ancien député, Ancien sénateur, Conseiller Maître à la Cour des comptes, a traité du sujet des collectivités locales acteurs de la justice sociale en décrivant l’évolution de l’ensemble des systèmes législatif et organisationnel et les moyens mis à leur disposition pour lutter contre les inégalités spatiales et sociales.

MonsieurKhalid SAFIR, Wali, Directeur Général des Collectivités Locales a mis en évidence les réformes institutionnelles et politiques entamées, en matière de régionalisation avancée au Maroc, qui  peuvent être un outil efficace pour l’instauration de la justice sociale et territoriale et la consécration de l’égalité dans l’accès aux richesses et au service public. Il a aussi relevé que les dynamiques socio-économiques et démocratiques au niveau mondial révèlent une tendance vers la concentration spatiale qui engendre une aggravation des disparités entre les territoires, ainsi qu’un accroissement des phénomènes d’exclusion sociale avec des répercussions négatives sur la compétitivité territoriale.

Madame Patricia LEXCELLENT, Déléguée générale de la Confédération des sociétés coopératives, Membre du Conseil Economique, Social et Environnemental a traité la question de la justice sociale et les acteurs intervenant dans l’économie sociale et solidaire notamment la société civile. Elle a ainsi mis en exergue  le modèle économique solidaire qui a permis l’émergence de toutes formes de coopératives ayant favorisé la création de l’emploi, principalement privé,  au profit des jeunes en difficulté  et qui a également permis d’avoir accès au logement, à l’éducation et au numérique. Et de préciser que ce mode d’entreprise, économiquement et socialement responsable, constitue réellement une économie de réparation des situations très inégales.

MonsieurDriss GUERRAOUI, Secrétaire Général du Conseil Économique, Social et Environnemental, a abordé le sujet de la justice sociale sous trois angles à savoir la nécessité de changer de paradigmes  traitant de la justice sociale, de reconnaitre l’économie sociale et solidaire comme étant un acteur d’avenir de la justice sociale et les défis que cette économie doit relever pour atteindre l’objectif d’instaurer une meilleure justice sociale.

MonsieurMihoub MEZOUAGHI, Directeur de l’Agence Française de Développement au Maroc, a exposé l’agenda de la réduction des inégalités dans le nouveau plan d’orientation stratégique de l’AFD, et a relaté l’histoire des inégalités dans le monde et la vision stratégique de l’AFD pour faire face aux transition  socio- économiques,  territoriales et écologiques tout en renforçant les résiliences de l’économie. Il a appelé  les Etats à davantage d’innovations sociales basées  sur des outils de politique publique pour résorber les inégalités sociales et les disparités territoriales.

MonsieurFrancis LEMOINE, Chargé de programmes, Délégation de l’Union européenne au Maroc, a parlé de Justice sociale et d’intégration communautaire des États de l’UE qui fournissent beaucoup d’efforts pour lutter contre la précarité et les disparités territoriales par un soutien aux politiques nationales dédiées et des interventions ciblées au profit des bénéficiaires et des régions bien déterminés. Il a également mis en évidence l’appui budgétaire substantiel aux Etats de l’Union et hors Union pour une mise à niveau socio- économique et la  résorption des disparités territoriales.

MonsieurMohammed TAWFIK MOULINE, Directeur Général de l’Institut Royal des Études Stratégiques, a livré sa vision du concept de la justice sociale et la tendance au niveau international et surtout en Afrique. Il  a aussi appelé à une réforme de la gouvernance publique en vue d’un État plus décentralisé où il y a plus de transparence au niveau de la prise de décision et de la mise en œuvre des politiques publiques, laquelle gouvernance devrait concerner en priorité les secteurs sociaux. Il a aussi proposé des actions que les pouvoirs publics, vis-à-vis des individus et des agents économiques, peuvent mener afin avoir des impacts positifs sur la vie des citoyens. Il préconise ainsi d’asseoir un système d’éducation généralisé et de grande qualité et une population éduquée aux enjeux du futur, est le seul moyen à même de réduire les inégalités de façon efficace sur le long terme.Il a par ailleurs appelé à la mise en place d’un certain nombre de mécanismes afin que le système économique national puisse accompagner les mutations au niveau international, à savoir notamment la digitalisation et la robotisation.

MonsieurBoris MELMOUX-EUDE, Membre du Secrétariat Général pour les Affaires Européennes auprès du Premier Ministre, a traité de la situation et du fonctionnement de la politique de redistribution entre les Etats de l’UE pour corriger les disparités régionales. Ceci concerne également les fonds alloués dans le cadre de la stratégie Europe 2020 dans ses volets emploi, éducation, éradication de la pauvreté et exclusion sociale.

MonsieurLaurent SAINT-MARTIN, Député, Vice-président de la commission des finances à l'Assemblée Nationale, a appelé à repenser les notions  de  justice sociale, inégalités et efficacité des décisions budgétaires de l’Etat pour lutter contre les inégalités en réformant le système de dépenses publiques. Selon lui,  Le changement de paradigmes s’impose pour offrir un service public efficace et efficient par une rationalisation des dépenses publiques à caractère social. 

Monsieur Abdellah SAAF, Professeur et ancien ministre de l’Education Nationale a dans son allocution de clôture, livré sa pensée sur le sujet en expliquant la conception au Maroc de la question de la justice sociale du point de vue institutionnel, syndical et social. Il a souligné que cette conception repose sur trois dimensions qui concernent les réductions des inégalités et des écarts, la protection sociale et une troisième dimension, liée au contexte marocain des années 90, qui a trait aux rattrapages des retards et déficits sociaux concernant quatre volets à savoir la santé, l’éducation, le logement et l’emploi. Il a ainsi fait observer que la justice sociale est pensée en termes de justice commutative notamment dans une logique de justice distributive et de réparation. Le professeur a qualifié le modèle marocain institutionnel de la justice sociale comme ayant un caractère hybride reposant sur une multitude de références. Il a aussi appelé les pouvoirs publics à repenser le système actuel de justice sociale afin de remédier aux défaillances qui caractérisent leurs actions en la matière à savoir : l’instauration de stratégies intégrées pour la mise en œuvre des programmes d’appui social et la révision des mécanismes de ciblage pour un meilleur traitement de la question sociale.

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