ÉDITORIAL
Peut-on sérieusement le contester ? Les finances publiques ont certainement pour caractéristique première d'être fondamentalement d'essence politique (au sens large de ce terme). Comme l'ont souligné avec raison nombre d'auteurs, le fait politique est, dans ce domaine, essentiel et il domine, d'une manière générale, l'ensemble de la réalité financière.
Figure importante de cette dernière, la politique budgétaire est assurément parmi les illustrations les plus fortes des liens étroits qui s'établissent entre la sphère du politique et celle des finances publiques. Même si elle peut paraître, à juste titre, déterminée par un ensemble de contraintes techniques, elle n'en procède pas moins, plus globalement, d'un processus multirationnel de décision au sein duquel agissent et rétroagissent les stratégies des acteurs concernés. Certes, les facteurs structurels - économiques, financiers, juridiques, administratifs - pèsent-ils lourdement dans ce processus, avec notamment pour conséquence un manque de flexibilité indéniable de la politique budgétaire. Mais il serait erroné d'en conclure trop rapidement à l'absence d'autonomie des décideurs et, par voie de conséquence, à la domination du système financier par un ordre catallectique sur lequel il serait impossible d'agir de manière volontariste.
C'est bien à une telle compréhension positive de la réalité et des pratiques budgétaires qu'introduit ce numéro de la Revue. Le mérite en revient au Club Cambon qui a su réunir, lors d'un colloque organisé le 10 février 1994 à la Cour des Comptes, des spécialistes aussi divers que talentueux. Les contributions réunies ici, outre l'excellente qualité des analyses et pistes de réflexions qui s'en dégagent, offrent une lecture stimulante qui, si elle permet de mesurer la complexité du jeu des multiples centres de décisions appelés à intervenir en matière de politique budgétaire, ne conduit pas nécessairement à conclure que celle-ci ressortirait d'un système irrémédiablement fermé, déterminé par des contraintes structurelles indépassables privant les acteurs de tout réel pouvoir d'effectuer des choix.
Michel Bouvier