Éditorial
Une autre voie que celle de la lutte frontale contre l'évasion est également possible, il s'agit de celle qui privilégie la prévention. Elle consiste par exemple à sortir, au-moins en partie, de la détermination de règles unilatérales et à fixer clairement, entre les acteurs concernés, administration et contribuable, les droits et les devoirs de chacun dans le cadre d'« accords préventifs » [2]. Il s'agit là d'un phénomène international, qui s'il n'est pas nouveau pour certains États, notamment anglo-saxons, a néanmoins tendance aujourd'hui à se développer. Ces accords, qui peuvent prendre la forme du rescrit ou biencelle des accords préalables sur les prix de transfert, participent d'une logique qui s'inscrit dans la gouvernance stratégique de l'entreprise aussi bien que dans celle des administrations fiscales. On peut par conséquent parler d'une forme nouvelle de la gouvernance fiscale dont l'une des caractéristiques consiste dans la responsabilisation à la fois du contribuable et de l'administration. En effet, l'accord engendre des droits et des devoirs pour l'un comme pour l'autre. Mais cette logique a également pour objectif le développement d'un nouveau civisme fiscal visant à faire en sorte que l'impôt soit considéré comme légitime et accepté par le contribuable, autrement dit que ce dernier effectue volontairement ses obligations fiscales. À ce titre les accords fiscaux sont source de sécurité juridique à la fois pour le contribuable et pour l'administration. Cette dernière cherchant à régler en amont les problèmes rencontrés par les contribuables, il s'agit par conséquent d'une conception préventive et non répressive de l'évasion fiscale.
Cette démarche s'inscrit, pour une autre raison encore, dans une forme nouvelle de gestion publique, celle qui prend modèle sur le management de l'entreprise. Il s'agit d'une nouvelle gouvernance financière publique préoccupée par la maîtrise des finances publiques ; on veut dire par la volonté d'une part de réduire les dépenses publiques et d'autre part d'accroître les ressources. En ce qui les concerne il n'est pas contestable que les accords permettent de réduire le coût de gestion de l'impôt pour l'administration comme pour le contribuable, notamment en venant limiter les risques de contentieux. Par ailleurs, ils permettent d'augmenter le produit fiscal en évitant les comportements fiscaux déviants, volontaires ou non, sans pour autant relever les taux d'imposition.
Au final, si les « accords fiscaux préventifs » s'inscrivent bien dans un processus de légitimation de l'impôt, ils trouvent aussi leur propre légitimité d'une part dans la sécurité juridique apportée au contribuable comme à l'administration, d'autre part dans une meilleure rentabilité de l'impôt pour l'administration et une réduction des coûts de gestion tant pour l'administration que pour le contribuable.