En France, fiscalité et comptabilité sont étroitement liées. En application de l’article 38 du CGI, le résultat fiscal est déterminé à partir du résultat comptable. En principe, un gain latent comptabilisé est imposable et une charge non comptabilisée n’est pas déductible. Le résultat comptable est également dépendant des règles fiscales de par l’exigence de comptabilisation de certaines charges, sans justification économique, afin de pouvoir bénéficier de leur déductibilité.
Néanmoins, cette connexion n’est pas parfaite puisque les divergences entre le résultat comptable et le résultat fiscal nécessitent de plus en plus d’ajustements extra comptables sur l’imprimé fiscal 2058 (220 selon le bulletin comptable et financier des éditions Lefebvre).
Le passage du résultat comptable, résultant des opérations purement économiques de l’entreprise, au résultat fiscal s’effectue ainsi à l’aide de deux procédures complémentaires. La première procédure consiste à enregistrer, dans la comptabilité de l'entreprise, des produits ou des charges purement fiscaux, n'ayant aucune réalité économique (les provisions réglementées). La seconde s'effectue par un traitement extracomptable, consistant à effectuer des réintégrations (additions) et des déductions (soustractions) au résultat comptable sur un imprimé fiscal.
L’avantage de la première procédure est de garantir un suivi dans le temps quasiment infaillible, assuré par la fiabilité du système comptable. Cette procédure a toutefois pour effet de modifier les documents comptables. La seconde technique n’a pas d’impact sur ceux-ci, mais le suivi des divergences dans le temps n’est pas sécurisé et nécessite l’élaboration de dossiers annexes.
Le système actuel de connexion comptabilité/fiscalité fonctionne. Toutefois, il assure peu de sécurité, génère, pour les entreprises et l’Etat, des coûts de suivi ou d’erreurs non négligeables et n’est pas adapté pour supporter un accroissement des divergences comptabilité/fiscalité. Il représente un frein à toute évolution des règles comptables ou fiscales.
Avec le développement des outils informatiques, il nous semble possible de simplifier et de sécuriser le processus en instituant une seule procédure de traitement des divergences.
La méthode de la connexion intégrée
Cette méthode consisterait à créer une classe de comptes ad hoc (classe 8 par exemple) dont l'objet serait d'enregistrer les divergences existant entre les règles comptables et les règles fiscales.
Dans un premier temps, seules les réintégrations et déductions pourraient être enregistrées dans cette classe spécifique afin de ne pas entraîner de modification des règles comptables actuellement en vigueur en France.
Chaque compte comptable aurait son complément fiscal. Les documents comptables seraient établis à l’aide des comptes des classes 1 à 7 uniquement et les documents fiscaux à partir des comptes des classes 1 à 7 et 8 sachant que chaque compte comptable et de son complément fiscal seraient alors fusionnés. (Voir schéma « Dans un premier temps » en fichier joint)
Dans un second temps, les produits et charges purement fiscaux, actuellement enregistrés en comptabilité, pourraient être transférés dans la classe ad hoc afin d'obtenir des documents comptables économiques. (Voir schéma « Dans un second temps » en fichier joint)
Avantages et inconvénients de cette nouvelle approche
Les inconvénients de la méthode proposée sont ceux inhérents à tout changement, changement des habitudes, coûts (minimes) de formation et adaptation des logiciels comptables et des textes fiscaux.
En revanche, l'adoption de cette nouvelle approche permettrait aux règles comptables et fiscales d'évoluer sans conséquences des unes sur les autres et renforcerait la sécurisation des traitements fiscaux par l'établissement automatisé d’un bilan et d'un compte de résultat établis en bases fiscales. Ces documents, non disponibles actuellement, fourniraient des données utiles à la prise de décision des entreprises et à l'information et aux contrôles de l'administration fiscale. Cette démarche pourrait même être étendue à l'ensemble des membres de l'Union européenne à des fins de comparabilité.
Laurent Didelot
Diplômé d'expertise comptable
Enseignant à l'Université de Bourgogne et au groupe ESC Dijon-Bourgogne